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lundi 28 janvier 2013

Algérie, prise d'otages à In Amenas, le contexte

Via l'excellent Michael J Totten
Adam Garfinkle est le rédacteur en chef de l'excellent magazine The American Interest, ce n'est pas un expert de l'Algérie, mais il connaît bien ce pays. Il a écrit un essai sur le contexte algérien que tout le monde devrait lire. Je peux poster seulement un extrait ici. Vous devriez vraiment aller sur son site et tout lire (en anglais).
Pour bien préparer le terrain pour ce que je m'apprête à vous dire, cher lecteur, permettez-moi de souligner que le pouvoir algérien est atteint d'un atavisme puissant. Il fut un temps où les élites militaires  «progressistes», «socialistes» et ouvertement laïques ont régné sur des pans entiers du monde arabe. Ces élites étaient invariablement liées avec l'Union soviétique dans le contexte de la guerre froide qui a défini la géopolitique de la région, avec les monarchies conservatrices et quelques exceptions (Tunisie, Liban) plus ou moins associés-il ne faut pas dire alliés-de l'Occident, et dans la plupart des cas, par des moyens détournés, des États-Unis . L'Egypte avant la mi-1972, la Libye, la Syrie, l'Irak, l'Algérie et, pour un temps, le Yémen du Sud étaient lourdement armées et entrainées par l'Union Soviétique. Parmi ces  gouvernements militaires «progressistes» et à part le régime finissant d'Assad en Syrie, l'Algérie est le seul qui reste, .La direction algérienne actuelle  est constituée des tout derniers restes de la vieille garde qui a connu la guerre d'indépendance contre la France, et de la génération de la guerre civile, qui l'a immediatement suivie . Donc, pris dans son ensemble, ce leadership est un groupe d'hommes aussi aguerris, impitoyables et de sang-froid qu'on puisse trouver. Ce n'est pas un genre de militaires doux qui organiseraient régulièrement des sessions de sensibilisation à la valeur de la vie humaine. Ce sont des militaires qui utilisent huit balles quand deux feraient l'affaire et qui n'ont pas de scrupules à déchiqueter des corps encore frétillants. Ils sont aussi très fiers et extrêmement susceptibles à la moindre chose venant de la direction générale des étrangers. Un ancien pilote d'hélicoptère de l'US Air force  (qui bien sûr ne sera pas nommé), impliqué dans une mission de formation limitée a eu ceci à dire: «. . . les Algériens. . . . se sont avérés être complètement inflexibles et presque hostiles à l'idée de travailler avec nous. Est ce à cause de leurs expériences passées avec les Français ou tout simplement un soupçon des États-Unis et de nos intentions»
La réponse?  Les deux, et aucun des deux. Oui, l'expérience et la suspicion, mais ces gens sont aussi tout simplement des entêtés professionnels et, comme je le dis, ils sont fiers de l'être.Cela dit, je pense qu'ils sont de plus en plus craintifs avec le temps qui passe. Ce sont, comme je le disais, le derniers de la race des militaires arabes «progressistes» de l'ère  de l'indépendance , dont la légitimité a depuis longtemps dépassé la date de péremption.
Si vous regardez une carte, pour voir comment ont voté en 1991 les régions du pays , vous pouvez constater que le parti au pouvoir n'a remporté aucune autre région en dehors de la capitale, et que la partie sud, Touareg, a réjété à la fois le gouvernement et l'opposition  islamiste arabe. Depuis 1991-92 les Amazighs/Berbères, ont également fait connaître leur rejet. Et l'augmentation des forces islamistes avec le printemps arabe en Tunisie voisine et en Egypte, mais aussi dans le Maroc-la porte d'à côté - a probablement donné le sentiment au leadership algérien non seulement qu'il était un peu vieux, mais aussi qu'il est de plus en plus isolé. Du moins, certains d'entre eux craignent de perdre cette fois ci la guerre civile si elle recommençait. Ces gars-là sont tellement fiers que jamais ils ne montreront leur peur en public. Mais cela ne veut pas dire qu'elle n'est pas presente, quelque part dans leurs tripes.C'est, il me semble, ce qui explique bien pourquoi ils ont réagi à l'attaque d'In Amenas de la façon dont ils l'ont fait: rapidement et avec une force meurtrière. Comme je l'ai dit dans mon post precedant sur le Mali: «Ce que disent en fait les Algériens, est: si vous nous laissez tranquiles nous n'allons pas vous chercher, , mais si vous nous cherchez des noises nous nous montreront sans pitié." Eh bien , dés le lendemain, en première page du New York Times du 18 Janvier, j'ai trouvé des preuves de mon interprétation. Le porte-parole du gouvernement, un homme du nom de Mohammed Said Oublaid, a déclaré ce qui suit: ". Ceux qui pensent que nous allons négocier avec les terroristes sont deconnectés de la réalité" Juste au cas où les journalistes occidentaux presents n'aient pas saisi le message, Oublaid a ajouté: "Ils délirent, ceux qui pensent que nous allons céder à leur chantage. "Il n'est pas difficile d'imaginer la scène, derrière le rideau. Les généraux en chef ont dit à Oublaid d'aller sur place et d'insister sur un seul et unique point: Nous mettons l'accent sur la dissuasion contre d'autres attaques contre notre pays, point final. Et qui avait le mérite d'être vrai.
Le pouvoir algérien n'a tenu aucun compte des otages, qu'ils soient algériens ou étrangèrs. De la façon dont ils le voient, vous réagissez brutalement et peut-être que quelques dizaines de personnes meurent, vous montrez un peu de faiblesse, et un nouveau fléau de guerre civile va tuer des dizaines de milliers de personnes.
Le bêlement de certains gouvernements étrangers [Japon] sur la façon dont les Algériens n'ont pas utilisé le manuel de la lutte contre le terrorisme en utilisant des grenades étourdissantes et des gaz lacrymogènes pour éviter l'effusion inutile de sang , sont passés complètement à côté de la plaque. Peut-être que les Algériens savent faire ce genre de choses, peut-être que non, mais ce n'est pas grave parce que dans ce cas ils voulaient répandre le sang. Ils voulaient avoir l'air aussi insensibles qu'une brique froide, parce que c'était la façon de transmettre le message qu'ils souhaitent transmettre. Et ce message a été envoyé haut et clair

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